« La priorité, cest la transformation de la donne politique à gauche »
Arnaud Montebourg dans Libération
Ex-porte-parole de Ségolène Royal, député de Saône-et-Loire, Arnaud Montebourg commente les effets de l’ouverture, pistes pour la livre son diagnostic sur la défaite et l’état du PS et ses rénovation de son parti et de la pratique institutionnelle.
Pourquoi le PS a-t-il autant de mal à résister à l’ouverture de Nicolas Sarkozy ?
C’est le symptôme d’un parti qui a excessivement cultivé le goût de l’intérêt plutôt que l’amour des convictions. Mais c’est aussi la preuve de la faiblesse structurelle du pouvoir sarkozien. Organiserait il un mercato généralisé des compétences et des talents s’il était sûr que ses propres forces suffisent à lui assurer le soutien durable de l’opinion publique ?
Le cas de Dominique Strauss-Kahn, soutenu par la présidence pour la direction du FMI, est gênant pour le PS.
C’est un choix personnel. S’il préfère se soustraire à l’effort qu’il nous faudra tous faire pour recréer une offre politique digne de ce nom à gauche, c’est l’expression de sa préférence, qui le prive malheureusement d’action collective et future.
Et Jack Lang ?
Jack Lang aurait dû demander un mandat au groupe socialiste. Dès lors qu’il n’a pas choisi de le faire avec nous, il reprend sa liberté. Et nous conservons la nôtre. Il devrait savoir qu’on ne peut faire une réforme institutionnelle sur un coin de table, avec quelques personnalités débauchées pour la circonstance.
Le parti n’est-il pas plus mal en point que jamais ?
La décomposition d’un système bâti il y a trente ans est une évidence. Il faut revenir sur les raisons de la défaite, d’abord liée au retard stratégique accumulé par le parti depuis une dizaine d’années, à l’incapacité d’écouter la société, de traiter les problèmes et de les affronter. L’immobilisme est devenu une loi de gestion politique au PS, qui préfère l’esquive plutôt que le traitement des questions. Il y a aussi un deuxième retard, qui est organisationnel : notre parti a continué à vivre sur un système à fracturations multiples de chapelles, de courants et d’écuries. Il a cultivé la division plutôt qu’organisé la recherche des convergences. Ces deux facteurs ont participé à l’échec de notre campagne.
Exonérez-vous totalement la candidate de la défaite ?
Les responsabilités sont partagées. En positif, elle a ouvert des portes, déverrouillé un grand nombre de sujets pour l’avenir. En négatif, elle n’a pas su ou pu rassembler et faire travailler les forces disponibles. Où en êtes-vous de votre soutien à Ségolène Royal ? Je suis un loyal serviteur des causes que je défends. Cependant, les urgences, aujourd’hui, ne sont pas posées en termes de leadership. La priorité, c’est la transformation de la donne politique à gauche, et ce travail prendra un peu de temps.
De ce point de vue, le calendrier proposé par François Hollande devrait vous satisfaire ?
Je ne l’ai pas approuvé, et m’y suis à grand-peine résigné.
Les socialistes ne semblent pas tout à fait d’accord sur ce que sera leur opposition. La rénovation peut-elle venir du Parlement ?
Il n’est pas dit que tout serait tombé dans un bocal de formol. La création d’un contre-gouvernement au groupe socialiste conforte notre image de parti de gouvernement, préparant l’alternance. J’ai d’ailleurs invité à la Fête de la Rose de Frangy-en-Bresse plusieurs membres du contre-gouvernement, de toutes sensibilités et trajectoires. C’est une manière d’ouvrir les portes des vieilles chapelles socialistes. On ne peut donc pas dire que tout soit immobile.
La pratique du pouvoir de Nicolas Sarkozy ne rend-elle pas difficile la tâche de l’opposition ?
La dérive institutionnelle dans laquelle le pays est engagé est organisée sans mandat du peuple, seul souverain en la matière. Quand les arbitrages budgétaires ne se font plus à Matignon, quand les conseillers de l’Elysée chaperonnent les ministres sans pouvoirs et quand le gouvernement est transformé en attaché parlementaire du président, ce sont les principes de la responsabilité, fondamentaux en démocratie, qui sont touchés. Ceux qui décident doivent rendre des comptes. Or, c’est de moins en moins le cas. Nous devons réagir et exiger du Président de très importants rééquilibrages qui ne soient pas de façade. On ne pourra pas se contenterde la présidence de la commission des finances.
propos recueillis par David Revault d’Allones